Le penchant naturel d’un artiste (Nietzsche l’avait parfaitement compris) le porte à voir sa création plutôt qu’à créer ce qu’il voit. Autrement dit, à partir d’une infinité de possibilités visuelles, il choisit de représenter les éléments formels qui correspondent le plus intimement à ses moyens artistiques. On ne peut dissocier la faculté de concevoir de l’aptitude à la mise en œuvre. Dans cette optique, on peut dire que le royaume invisible de l’esprit humain est le véritable domaine dont chaque artiste cherche à donner une image fidèle, révélatrice de sa propre vérité. Car c’est là, et non dans le monde du visible, que l’art devient réalité. Et c’est la puissance avec laquelle l’artiste nous restitue cette percée sur l’invisible qui nous conduit à reconnaître notre vérité dans la vision qu’il a de la sienne.
Richard Lindner a vu le monde avec la puissance d’imagination d’un homme dont la vie est le reflet intégral du terrible drame moral et du désespérant pathos culturel de notre siècle, qu’il cerne avec une précision appropriée. On a
beaucoup parlé de l’expérience dramatique qu’a été pour cet artiste le Sturm und Drang de son époque, mais on n’a pas exagéré. Ce qui, en fin de compte, définit la grandeur d’un artiste, à savoir ce qu’il est, non ce qu’il fait, son aptitude à s’identifier profondément aux événements marquants de son temps, détermine la pertinence éthique de son œuvre. Bien que le propos de cette brève étude soit de commenter les œuvres récentes de Lindner, il nous parait impossible d’y parvenir avec cohérence sans nous référer à sa vie et à sa production antérieure.
Né en 1901 dans une famille juive allemande assez aisée, Lindner passa son enfance et sa jeunesse à Nuremberg. Carrefour du commerce au Moyen Age, Nuremberg témoigne de l’interpénétration du gothique allemand avec la Renaissance italienne; c’était la patrie de Dürer, et depuis longtemps le lieu d’un violent antisémitisme. Lindner était tout jeune quand surgit le cataclysme de la première guerre mondiale, suivi d’une période d’inflation et d’un éclatement de la situation sociale, politique et culturelle qui aboutit à la catastrophe du national socialisme. Lindner vécut cette époque perturbée dans les deux villes où l’on ressentait le plus profondément le flot des événements : Berlin et Munich. II étudia l’art dans la capitale bavaroise où il fréquentait le même
Le penchant naturel d’un artiste (Nietzsche l’avait parfaitement compris) le porte à voir sa création plutôt qu’à créer ce qu’il voit. Autrement dit, à partir d’une infinité de possibilités visuelles, il choisit de représenter les éléments formels qui correspondent le plus intimement à ses moyens artistiques. On ne peut dissocier la faculté de concevoir de l’aptitude à la mise en œuvre. Dans cette optique, on peut dire que le royaume invisible de l’esprit humain est le véritable domaine dont chaque artiste cherche à donner une image fidèle, révélatrice de sa propre vérité. Car c’est là, et non dans le monde du visible, que l’art devient réalité. Et c’est la puissance avec laquelle l’artiste nous restitue cette percée sur l’invisible qui nous conduit à reconnaître notre vérité dans la vision qu’il a de la sienne.
Richard Lindner a vu le monde avec la puissance d’imagination d’un homme dont la vie est le reflet intégral du terrible drame moral et du désespérant pathos culturel de notre siècle, qu’il cerne avec une précision appropriée. On a
beaucoup parlé de l’expérience dramatique qu’a été pour cet artiste le Sturm und Drang de son époque, mais on n’a pas exagéré. Ce qui, en fin de compte, définit la grandeur d’un artiste, à savoir ce qu’il est, non ce qu’il fait, son aptitude à s’identifier profondément aux événements marquants de son temps, détermine la pertinence éthique de son œuvre. Bien que le propos de cette brève étude soit de commenter les œuvres récentes de Lindner, il nous parait impossible d’y parvenir avec cohérence sans nous référer à sa vie et à sa production antérieure.
Né en 1901 dans une famille juive allemande assez aisée, Lindner passa son enfance et sa jeunesse à Nuremberg. Carrefour du commerce au Moyen Age, Nuremberg témoigne de l’interpénétration du gothique allemand avec la Renaissance italienne; c’était la patrie de Dürer, et depuis longtemps le lieu d’un violent antisémitisme. Lindner était tout jeune quand surgit le cataclysme de la première guerre mondiale, suivi d’une période d’inflation et d’un éclatement de la situation sociale, politique et culturelle qui aboutit à la catastrophe du national socialisme. Lindner vécut cette époque perturbée dans les deux villes où l’on ressentait le plus profondément le flot des événements : Berlin et Munich. II étudia l’art dans la capitale bavaroise où il fréquentait le même