Derrière le miroir n°226, Maeght

violentes réalités du conflit érotique qui se déroule au cœur de l’agencement de ces cruautés, conflit à la fois délimité par elles, mais aussi déterminant l’essence de leur structure.
La femme apparaît comme une créature toujours menaçante; même dans sa séduction originelle, elle est mécanique, cuirassée, redoutable. Dans cette optique, est intéressant de noter que l’une des principales attractions touristiques de la ville où grandit Lindner était la Pucelle de Fer : instrument de torture moyenâgeux, machine ayant la forme et les dimensions d’une femme, à l’intérieur de laquelle des piquants de fer transperçaient lentement la victime jusqu’à ce que mort s’ensuive. La nature des relations entre homme et femme qui imprègne l’œuvre de Lindner est celle d’un petit garçon trop bien élevé pour qui les rapports entre adultes sont vicieux et effrayants, la femelle mythique et prédatrice étant une menace permanente pour les hommes qui ressemblent à des robots, mécanisés et opprimés, privés de leur virilité.
Le contenu littéraire de l’œuvre de Lindner est en effet rehaussé par son caractère purement esthétique. Les couleurs sont violentes, souvent stridentes et leur interaction toujours extrême est parfois choquante. La configuration des

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compositions est délibérément disloquée, gauchie, inhabituelle, et elle contraint les yeux et l’esprit à des ajustements imprévus parfois peu agréables. Rien n’est tout à fait normal, ni conforme à ce que nous attendons de l’expérience du quotidien; le spectateur est constamment amené, intellectuellement et visuellement, à se poser des questions inattendues et à recevoir des réponses souvent déplaisantes. Bien que le monde réel ne ressemble jamais à un tableau, un tableau peut quand même ressembler parfois au monde réel. Mais il n’en est jamais ainsi dans le cas de Lindner. La nature n’a que faire ici. Toute référence aux conditions naturelles dans lesquelles les êtres humains poursuivent désespérément leur existence est exclue. Le plus mince souvenir du jardin d’Eden a été éliminé, bien qu’Adam et Eve, devenus des personnages monstrueux et mécanisés, paraissent devant nous sous des formes qui ridiculisent les circonstances mêmes de la Chute. Aucune issue n’est ouverte aux personnages du monde de Lindner pris au piège dans un univers sans air et sans soleil, ils se voient cernés par le terrible constat de leur propre existence, pétrifiés dans des situations qu’ils ne contrôlent jamais. Cet art cruel mais lucide         a        pris        corps        avec        une        logique

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violentes réalités du conflit érotique qui se déroule au cœur de l’agencement de ces cruautés, conflit à la fois délimité par elles, mais aussi déterminant l’essence de leur structure.
La femme apparaît comme une créature toujours menaçante; même dans sa séduction originelle, elle est mécanique, cuirassée, redoutable. Dans cette optique, est intéressant de noter que l’une des principales attractions touristiques de la ville où grandit Lindner était la Pucelle de Fer : instrument de torture moyenâgeux, machine ayant la forme et les dimensions d’une femme, à l’intérieur de laquelle des piquants de fer transperçaient lentement la victime jusqu’à ce que mort s’ensuive. La nature des relations entre homme et femme qui imprègne l’œuvre de Lindner est celle d’un petit garçon trop bien élevé pour qui les rapports entre adultes sont vicieux et effrayants, la femelle mythique et prédatrice étant une menace permanente pour les hommes qui ressemblent à des robots, mécanisés et opprimés, privés de leur virilité.
Le contenu littéraire de l’œuvre de Lindner est en effet rehaussé par son caractère purement esthétique. Les couleurs sont violentes, souvent stridentes et leur interaction toujours extrême est parfois choquante. La configuration des

compositions est délibérément disloquée, gauchie, inhabituelle, et elle contraint les yeux et l’esprit à des ajustements imprévus parfois peu agréables. Rien n’est tout à fait normal, ni conforme à ce que nous attendons de l’expérience du quotidien; le spectateur est constamment amené, intellectuellement et visuellement, à se poser des questions inattendues et à recevoir des réponses souvent déplaisantes. Bien que le monde réel ne ressemble jamais à un tableau, un tableau peut quand même ressembler parfois au monde réel. Mais il n’en est jamais ainsi dans le cas de Lindner. La nature n’a que faire ici. Toute référence aux conditions naturelles dans lesquelles les êtres humains poursuivent désespérément leur existence est exclue. Le plus mince souvenir du jardin d’Eden a été éliminé, bien qu’Adam et Eve, devenus des personnages monstrueux et mécanisés, paraissent devant nous sous des formes qui ridiculisent les circonstances mêmes de la Chute. Aucune issue n’est ouverte aux personnages du monde de Lindner pris au piège dans un univers sans air et sans soleil, ils se voient cernés par le terrible constat de leur propre existence, pétrifiés dans des situations qu’ils ne contrôlent jamais. Cet art cruel mais lucide         a        pris        corps        avec        une        logique

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