qui est l’un des plus violents mobiles de la création littéraire et plastique, a fini par triompher de l’idéal de la beauté morale, l’histoire de la peinture depuis deux siècles le prouve avec éclat. Même s’il tente avec la Salomé de ressusciter le mythe, Gustave Moreau va provoquer la double contradiction interne de Rouault et de Matisse, c’est-à-dire l’explosion de tous les mythes dans toutes les directions. En ne retenant du corps féminin que la ligne – le signe abstrait de la féminité -Matisse a fait basculer l’image mythique des sentiments et des désirs masculins dans le théâtre de la distanciation, où le corps cède à son idée abstraite, et bientôt à son oubli. Cette suppression progressive du corps, dont Georges Bataille a perçu le présage dans l’Olympia, produit de nouveaux mensonges, qui ne relèvent pas de l’éloquence classique, mais de l’illusion intellectuelle de la théorie. Face à la femme, l’homme ne sait littéralement plus quoi penser: il s’interdit de la rêver, comme il s’interdit d’accepter sa réalité jusqu’au bout; analysant ses propres refoulements, ses propres mécanismes de censure, la femme ne lui rappelle plus que des blocages, des traumatismes et des interdits. Le mythe sans mythe devient le seul mythe possible, comme la peinture sans peinture devient la seule peinture possible. Mais, pendant ce temps, les hommes
continuent de rencontrer des femmes, ils se parlent, ils se font l’amour, ils se disputent, ils se quittent, ils se manquent, et la vie continue. La peinture, comme la science, a beau avoir traversé le miroir (ou le « grand verre» de la Mariée mise à nu par ses célibataires) nous continuons de nous y regarder chaque matin, et chaque soir, du même côté.
Depuis Manet, les femmes peintes ont détourné le regard de celui qui, peintre ou spectateur, les contemplait: distraites, ou égarées, vulgairement maquillées ou violemment nues, endormies ou le dos tourné, elles ont fini par se livrer, jambes ouvertes au viol du soleil, dans les chambres imaginées par Balthus. Rêvant d’un viol impossible ou prostrées de douleur, elles nient le mythe de la femme inaccessible par sa perfection même (I’«Ange, la Madone») qu’elles ont jeté sur les trottoirs et dans les terrains vagues de la période bleue de Picasso, après 1’avoir brûlé aux lampes du café-concert et du bordel de Toulouse-Lautrec. Mais c’est entrant, à peine nubiles, dans les chambres crépusculaires des appartements semi-abandonnés, où l’extase est celle de la masturbation, qu’elles se sont chargées d’une inaccessibilité contraire: celle de la jouissance que la femme se donne à elle-même. Seul Magritte a tenté de freiner la dégradation du mythe de la déesse olympienne en
qui est l’un des plus violents mobiles de la création littéraire et plastique, a fini par triompher de l’idéal de la beauté morale, l’histoire de la peinture depuis deux siècles le prouve avec éclat. Même s’il tente avec la Salomé de ressusciter le mythe, Gustave Moreau va provoquer la double contradiction interne de Rouault et de Matisse, c’est-à-dire l’explosion de tous les mythes dans toutes les directions. En ne retenant du corps féminin que la ligne – le signe abstrait de la féminité -Matisse a fait basculer l’image mythique des sentiments et des désirs masculins dans le théâtre de la distanciation, où le corps cède à son idée abstraite, et bientôt à son oubli. Cette suppression progressive du corps, dont Georges Bataille a perçu le présage dans l’Olympia, produit de nouveaux mensonges, qui ne relèvent pas de l’éloquence classique, mais de l’illusion intellectuelle de la théorie. Face à la femme, l’homme ne sait littéralement plus quoi penser: il s’interdit de la rêver, comme il s’interdit d’accepter sa réalité jusqu’au bout; analysant ses propres refoulements, ses propres mécanismes de censure, la femme ne lui rappelle plus que des blocages, des traumatismes et des interdits. Le mythe sans mythe devient le seul mythe possible, comme la peinture sans peinture devient la seule peinture possible. Mais, pendant ce temps, les hommes
continuent de rencontrer des femmes, ils se parlent, ils se font l’amour, ils se disputent, ils se quittent, ils se manquent, et la vie continue. La peinture, comme la science, a beau avoir traversé le miroir (ou le « grand verre» de la Mariée mise à nu par ses célibataires) nous continuons de nous y regarder chaque matin, et chaque soir, du même côté.
Depuis Manet, les femmes peintes ont détourné le regard de celui qui, peintre ou spectateur, les contemplait: distraites, ou égarées, vulgairement maquillées ou violemment nues, endormies ou le dos tourné, elles ont fini par se livrer, jambes ouvertes au viol du soleil, dans les chambres imaginées par Balthus. Rêvant d’un viol impossible ou prostrées de douleur, elles nient le mythe de la femme inaccessible par sa perfection même (I’«Ange, la Madone») qu’elles ont jeté sur les trottoirs et dans les terrains vagues de la période bleue de Picasso, après 1’avoir brûlé aux lampes du café-concert et du bordel de Toulouse-Lautrec. Mais c’est entrant, à peine nubiles, dans les chambres crépusculaires des appartements semi-abandonnés, où l’extase est celle de la masturbation, qu’elles se sont chargées d’une inaccessibilité contraire: celle de la jouissance que la femme se donne à elle-même. Seul Magritte a tenté de freiner la dégradation du mythe de la déesse olympienne en