Le musée de la Vie romantique rend hommage au peintre Richard Lindner (I901 1978) après trois décennies de purgatoire à Paris, tandis que les musées tant en Amérique et en Allemagne (Hirschhorn Museum, Washington et Haus der Kunst, Munich) qu’en Espagne (Fondation March, Madrid et IVAM, Valence) ont présenté des rétrospectives depuis plusieurs années déjà. Deux expositions majeures seulement furent organisées en France, la première, en 1974, au Musée national d’art moderne dans l’ancien Palais de Tokyo par Jean Leymarie et Jean-Hubert Martin, la seconde, un an après sa mort, en 1979-1980 à la Fondation Maeght, à Saint-Paul, par Jean-Louis Prat. L’intimité des ateliers de la maison de la rue Chaptal était toute désignée pour invoquer les visions de Richard Lindner plus de vingt-cinq ans après sa disparition. En franchissant le seuil de ces coulisses de la création, chacun passe ainsi de l’autre côté du miroir. Les mystères de l’échange, la fascination du sexe féminin, le culte du fantasme, la puissance de la libido, tout relève en effet d’une passion
charnelle qui a inspiré plus récemment d’autres plasticiens néo-romantiques, depuis Helmut Newton et Niki de Saint Phalle jusqu’à Matthew Barney. Lindner s’impose aujourd’hui comme un étrange passeur, celui des deux rives du Styx atlantique. Il assume aussi un triple héritage fondé sur sa culture germanique sous la République de Weimar, la bohème parisienne dans le souvenir émoussé des Années folles entre I933 et 1940, avant son internement tragique en 1941 dans un camp français, et la libération salvatrice à New York grâce à l’American way of life, de 1942 à 1978.
Lorsque Lindner commence à peindre, à New York en 1950, il aborde la cinquantaine: pari d’autant plus difficile qu’il choisit délibérément, en pleine vogue de l’abstraction lyrique, la voie contraire de la figuration narrative. Encore n’use-t-il pas d’une facture traditionnelle à la Norman Rockwell ou à la Andrew Wyeth, où se réfléchit une certaine middle-class américaine. Fondée sur un imaginaire foisonnant à l’égal d’un journal intime, sa thématique immédiatement dérange et rassemble – dérange par son vocabulaire acide souligné par une technique classique parfaite et une palette d’ordre fluorescent, et rassemble par les multiples et mystérieuses identités où chacun peut se projeter. Comme l’écrivait Marguerite Yourcenar, toute âme se nourrit par la chair ».
Le musée de la Vie romantique rend hommage au peintre Richard Lindner (I901 1978) après trois décennies de purgatoire à Paris, tandis que les musées tant en Amérique et en Allemagne (Hirschhorn Museum, Washington et Haus der Kunst, Munich) qu’en Espagne (Fondation March, Madrid et IVAM, Valence) ont présenté des rétrospectives depuis plusieurs années déjà. Deux expositions majeures seulement furent organisées en France, la première, en 1974, au Musée national d’art moderne dans l’ancien Palais de Tokyo par Jean Leymarie et Jean-Hubert Martin, la seconde, un an après sa mort, en 1979-1980 à la Fondation Maeght, à Saint-Paul, par Jean-Louis Prat. L’intimité des ateliers de la maison de la rue Chaptal était toute désignée pour invoquer les visions de Richard Lindner plus de vingt-cinq ans après sa disparition. En franchissant le seuil de ces coulisses de la création, chacun passe ainsi de l’autre côté du miroir. Les mystères de l’échange, la fascination du sexe féminin, le culte du fantasme, la puissance de la libido, tout relève en effet d’une passion
charnelle qui a inspiré plus récemment d’autres plasticiens néo-romantiques, depuis Helmut Newton et Niki de Saint Phalle jusqu’à Matthew Barney. Lindner s’impose aujourd’hui comme un étrange passeur, celui des deux rives du Styx atlantique. Il assume aussi un triple héritage fondé sur sa culture germanique sous la République de Weimar, la bohème parisienne dans le souvenir émoussé des Années folles entre I933 et 1940, avant son internement tragique en 1941 dans un camp français, et la libération salvatrice à New York grâce à l’American way of life, de 1942 à 1978.
Lorsque Lindner commence à peindre, à New York en 1950, il aborde la cinquantaine: pari d’autant plus difficile qu’il choisit délibérément, en pleine vogue de l’abstraction lyrique, la voie contraire de la figuration narrative. Encore n’use-t-il pas d’une facture traditionnelle à la Norman Rockwell ou à la Andrew Wyeth, où se réfléchit une certaine middle-class américaine. Fondée sur un imaginaire foisonnant à l’égal d’un journal intime, sa thématique immédiatement dérange et rassemble – dérange par son vocabulaire acide souligné par une technique classique parfaite et une palette d’ordre fluorescent, et rassemble par les multiples et mystérieuses identités où chacun peut se projeter. Comme l’écrivait Marguerite Yourcenar, toute âme se nourrit par la chair ».