Adults-Only, Paris musées

Dans un espace hermétiquement clos, curieusement brisé d’ellipses et de fausses perspectives, le peintre cerne, projette – tels des plans cinématographiques ces images chaudes, découpées au rasoir, qui s’accouplent sans jamais se rencontrer. Où donc apparaît l’attrait physique, l’aimantation charnelle des corps amoureux?
L’impact de la rencontre sexuelle met peut-être en péril tout dialogue charnel. Le seul échange reste ainsi celui du domaine de la peinture, du regard du peintre et de celui du visiteur. II est comme monnayé à l’instar des charmes superlatifs qu’offrent, sans jamais les donner, ces dominatrices call-girls qui n’ont rien de souriantes pin-up. Les jeux de l’amour et du hasard ne sont plus ceux, fatigués, de la vieille Europe mais bien ceux, plus libérés, de « The Big Apple ». Comme l’écrit Jean Clair, « le corps en fait demeure une énigme. Et du visage, on ne sait décidément rien » (Court Traité des sensations). Les mots en surimpression traduisent également, dans certaines toiles, l’éclat de Manhattan avec des inscriptions troublantes, Adults-Only, Shot, lre, Uptown, Marilyn, qui évoquent les enseignes lumineuses, les publicités stridentes de la rue : Girls, Shows, Movies, Jazz. Les feux de New York sont bien ceux que Jean Leymarie appelait « le pandémonium néo-romantique » dans ces années d’après-guerre.

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La peinture comme exorcisme, tel pourrait être le sens de cette fascination oculaire du voyeur ébloui qui n’est pas sans évoquer les révélations brûlantes des deux célèbres rapports d’Alfred Kinsey qui firent alors couler beaucoup d’encre, « Sexual Behavior in the Human Male » (1948) et « Sexual Behavior in the Human Female » (1953). Depuis l’étau du maccarthysme jusqu’à la libération prônée par la Beat Generation, Lindner impose sa vision dérangeante d’une figuration scandaleuse : il touche aux secrets de sa propre intimité, dérègle les pulsions de cette société de consommation du sexe. La raideur des uniformes, l’autorité acquise ou légitimée de la mère sur le fils, la cruauté sous-entendue de la maîtresse envers l’amant sont autant de fils conducteurs dans cette œuvre nourrie d’excès formels et chromatiques, fondée sur la violence nourricière du sexe, le mystérieux lien love-hate qui relie, dans la torture et l’érotisme, elle et lui. A la recherche constante du secret originel, il se délivre du sien comme d’un viol: la ceinture de chasteté de Marilyn l’atteste.
Cette déclinaison de l’archétype féminin sera sans nul doute un modèle influent pour nombre de jeunes artistes de la communauté new-yorkaise. Si son amitié avec William De Kooning  et  Saul Steinberg  ne  devait rien  à  une quelconque

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Dans un espace hermétiquement clos, curieusement brisé d’ellipses et de fausses perspectives, le peintre cerne, projette – tels des plans cinématographiques ces images chaudes, découpées au rasoir, qui s’accouplent sans jamais se rencontrer. Où donc apparaît l’attrait physique, l’aimantation charnelle des corps amoureux?
L’impact de la rencontre sexuelle met peut-être en péril tout dialogue charnel. Le seul échange reste ainsi celui du domaine de la peinture, du regard du peintre et de celui du visiteur. II est comme monnayé à l’instar des charmes superlatifs qu’offrent, sans jamais les donner, ces dominatrices call-girls qui n’ont rien de souriantes pin-up. Les jeux de l’amour et du hasard ne sont plus ceux, fatigués, de la vieille Europe mais bien ceux, plus libérés, de « The Big Apple ». Comme l’écrit Jean Clair, « le corps en fait demeure une énigme. Et du visage, on ne sait décidément rien » (Court Traité des sensations). Les mots en surimpression traduisent également, dans certaines toiles, l’éclat de Manhattan avec des inscriptions troublantes, Adults-Only, Shot, lre, Uptown, Marilyn, qui évoquent les enseignes lumineuses, les publicités stridentes de la rue : Girls, Shows, Movies, Jazz. Les feux de New York sont bien ceux que Jean Leymarie appelait « le pandémonium néo-romantique » dans ces années d’après-guerre.

La peinture comme exorcisme, tel pourrait être le sens de cette fascination oculaire du voyeur ébloui qui n’est pas sans évoquer les révélations brûlantes des deux célèbres rapports d’Alfred Kinsey qui firent alors couler beaucoup d’encre, « Sexual Behavior in the Human Male » (1948) et « Sexual Behavior in the Human Female » (1953). Depuis l’étau du maccarthysme jusqu’à la libération prônée par la Beat Generation, Lindner impose sa vision dérangeante d’une figuration scandaleuse : il touche aux secrets de sa propre intimité, dérègle les pulsions de cette société de consommation du sexe. La raideur des uniformes, l’autorité acquise ou légitimée de la mère sur le fils, la cruauté sous-entendue de la maîtresse envers l’amant sont autant de fils conducteurs dans cette œuvre nourrie d’excès formels et chromatiques, fondée sur la violence nourricière du sexe, le mystérieux lien love-hate qui relie, dans la torture et l’érotisme, elle et lui. A la recherche constante du secret originel, il se délivre du sien comme d’un viol: la ceinture de chasteté de Marilyn l’atteste.
Cette déclinaison de l’archétype féminin sera sans nul doute un modèle influent pour nombre de jeunes artistes de la communauté new-yorkaise. Si son amitié avec William De Kooning  et  Saul Steinberg  ne  devait rien  à  une quelconque

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